Le foyer de la chaudière est particulièrement complexe. C'est le cœur de tout le système et il est bien différent de la cheminée d'une maison !
The hearth of the boiler is quite complex. It is the core of the whole system and very different from the house's one !
Le foyer est en fait la partie interne de ce qu'on appelle la "boîte à feu". Celle-ci est constituée d'une double paroi remplie d'eau. Les deux parois sont reliées par des barres appelées "tirants" ou "entretoises". Leur rôle est d'annuler les efforts opposés. Ce sont des pièces d'acier complexes à usiner, qui doivent subir des efforts de traction importants, tout en étant soumises à des cycles de température et à l'immersion dans l'eau.
The hearth is in fact the internal part of what is called the "firebox". It is made of a double wall filled with water. These walls are attached by bars called "tie rods" or "spacers". Their role is to annul the opposite efforts. These steel parts are complex to machine and must withstand significant traction efforts, while being subject to temperature cycles and immersion in water.
Entretoises et tirants au dessus du foyer. Spacers and tie-rods over the hearth. |
The walls are in steel, sometimes in copper. The small locomotives like the Brigadeloks have bare sheets, in opposite to the larger machines which have their hearth lined with a refractory bricklaying. The shape of the fireplace is generally the result of a serious boilermaking job and the assembly between sheets is made with hot rivets. Nowadays, the welded construction has totally replaced these forming and assembly techniques and modern alloys are more resistant for such application.
Ce foyer est donc ouvert en bas pour recevoir les barreaux de grille où l'on dépose le combustible. La double paroi présente un passage vers l'arrière, par lequel le chauffeur jette le charbon et surveille son feu. L'avant de la boîte à feu est raccordé au corps cylindrique de la chaudière, la paroi externe se trouve donc beaucoup plus loin, tout à l'avant. La paroi interne à cet endroit est constituée d'une plaque munie de trous dans lesquels des tubes sont sertis et qui parcourent le corps cylindrique. Les flammes s'y engouffrent sous l'effet du tirage et participent au transfert de chaleur.
This hearth is open at the bottom to receive the grate bars where we put the coal. The double wall has a passage to the rear through which the fireman throws the coal and monitors the fire. The front of the firebox is connected to the cylinder body of the boiler, the outer wall is then far away to the front end/ The inner wall is made of a plate with holes where tubes are set then pass along the cylinder body. The flames get inside due to the draught and contribute to the heat transfer.
Au fond, la double paroi de la boîte à feu. In the background, the firebox double wall. |
Plusieurs phénomènes entrent en jeu. En premier lieu, l'acier du foyer (ou le cuivre), n'est pas exposé à la même température que les barreaux. Ceux-ci sont en contact direct avec le charbon incandescent avec un passage d'air parfois trop faible pour assurer leur refroidissement (ou alors trop élevé au point de causer une contraction en dessous s'opposant à la dilatation du dessus). Les parois du foyer sont exposées au rayonnement thermique des flammes mais pas au contact direct du charbon en feu. C'est aussi une chaleur intense mais celle-ci est évacuée par l'eau qui se trouve immédiatement derrière. Le métal ne peut donc pas accumuler les calories et sa température reste donc relativement limitée.
D'autre part, l'atmosphère dans le foyer est différente de celle qui règne au niveau des barreaux. En effet, les barreaux portés à haute température sont exposé à l'oxygène qui traverse la grille et leur surface est peu à peu corrodée. Du côté des parois, les gaz chauds ont une nature différente: la combustion a associé l'oxygène à du carbone, ils ne peuvent plus se combiner au métal aussi facilement. De plus le dépôt de suie finit par former une couche qui réduit encore les échanges. D'ailleurs, cette couche doit être retirée fréquemment pour restaurer les performances thermique du foyer.
- If the heat is extreme, why doesn't the fireplace degrade as the grate bars do ?
Several phenomenons take place here. First, the steel (or copper) is not exposed directly at the same temperature than the bars. The latters are in direct contact with the incandescent coal with an airflow sometimes too low for cooling (or too high, causing a contraction of the bottom opposing to the top expansion). The walls are exposed to the thermal radiation of the flames but not in direct contact with the burning coal. It is also an intense heat but it is evacuated by the water immediately behind. The metal can not accumulate the calories and its temperatures keeps somewhat limited.
Besides, the atmosphere in the fireplace is different than the one at the grate bars level. Indeed, the bars at high temperature are exposed to the oxygen passing through the grate and their surface is progressively corroded. For the walls, the hot gases have a different nature: the combustion has associated the oxygen with cabon, they can not combine with the metal as easily. Moreover, the soot deposit forms a layer that reduces the exchanges. This layer must be removed frequently to restore the hearth's thermal performances.
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En conditions normales, les entretoises suffisent à retenir les parois puisque la force appliquée sur l'une est retenue par la force exercée sur la paroi opposée (c'est la même force qui s'applique des deux côtés, elle s'annule). Le nombre d'entretoises et leur positionnement sont étudiés pour que les forces soient réparties de manière à éviter les déformations.
Les entretoises peuvent être assimilées à des tiges filetées qui traversent les parois et les empêchent de s'écarter. Il en existe des versions massives et des versions creuses dont le forage laisserait apparaître une fuite de vapeur en cas de rupture dans la double paroi. Au cas où une telle rupture ne serait pas remarquée, une déformation des tôles pourrait se produire et avarier le foyer. C'est pourquoi des inspections minutieuses doivent être conduites très régulièrement pour s'assurer du bon état de l'ensemble.
Mais même avec toutes les entretoises en bon état, il peut cependant apparaître une déformation en cas de surchauffe et de pression excessive. Les parois internes du foyer présentent alors un aspect dit "matelassé" du fait de la ressemblance avec un capitonnage en tissu. C'est un incident très sérieux quant à la gestion de la chauffe et qui peut rendre une chaudière inutilisable. En effet, le matelassage signifie que par l'excès de chaleur et de pression, on a dépassé la limite élastique du métal. Celle limite élastique marque le niveau de contrainte au-delà duquel le métal ne reprend plus sa place initiale et reste déformé quand l'effort cesse. Or, cette limite baisse quand la température monte !
La formation des équipes de conduite est primordiale pour éviter ce genre d'incidents qui sont une phase annonciatrice d'un accident beaucoup plus grave si la situation n'est pas rapidement corrigée et que la limite de rupture est atteinte. Faut-il vraiment expliquer ce qu'est la limite de rupture ?
- And doesn't the pressure distort the walls either ?
In normal conditions, the spacers are enough to hold the walls since the force applied on one of them is retained by the force exerted on the opposite wall (it is the same force applying on both sides so it cancels itself). The number of spacers and their positioning are designed so the forces are spread in a way distorsions are avoided.
The spacers can be seen as threaded bars passing through the walls, preventing them to get apart. There are plain versions and hollow ones for which the bore would cause a leak in case of a rupture between the walls. In case such a rupture would get unnoticed, a distorsion of the walls would happen and deteriorate the hearth. This is why thorough inspections must be carried out regularly to be sure everything keeps in good condition.
But even with all the spacers in good shape, a distorsion can happen though in case of overheating and overpressure. The internal hearth wall then get an aspect described as "quilted" due to the resemblance with a padded mattress. It is a very serious incident dealing with the heating management that might cause a boiler to become unusable. Indeed, the quilting means that, by excess of heat and pressure, we went beyond the elastic limit of the metal. This elastic limit marks the constraint level after which the metal doesn't come back anymore in its original shape when the effort disappears. But this limit lowers as the temperature rises !
Training of the driving teams is of prime importance to avoid this kind of incidents which are a precursor of a much more serious accident if such situation is not very quickly recovered and the rupture limit reached. Is it really necessary to explain what the rupture limit is ?
Simulation informatique des efforts entretoises/paroi. Digital simulation of the spacers/walls efforts. |
The coal loading opening is sometimes reinforced, at least on its lower part, to resist to the rubbing of the tools used to handle the fire. It is closed by a quite special door that will be the subject of a future article.
Vue depuis le cendrier: lignes de rivets d'assemblage et têtes d'entretoises. View from the ashtray: the rivets lines and spacers heads. |
La voûte intérieure, dite "ciel de foyer", comporte un bouchon-fusible de sécurité. C'est un bouchon fileté qui débouche dans le volume d'eau qui doit recouvrir la tôle. Ce bouchon a un orifice qui est rempli d'un alliage fusible qui résiste à la température normale du foyer mais fond en cas de surchauffe, typiquement par manque d'eau. En cas de fusion, la pression projette un jet de vapeur dans le foyer, ce qui ne manque pas d'alerter l'équipe de conduite et commence à ralentir l'allure du feu.
The internal vault, called "hearth sky", includes a safety fusible plug. It is a threaded plug leading to the water volume that must overlay the metal sheet. This plug has a hole filled with a fusible alloy resisting to the normal hearth temperature but melts in case of overheating, typically due to a lack of water. In case of a melting, the pressures sends a steam jet in the hearth, it can't fail to alert the driving team and starts to reduce the fire activity.
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Parmi les diverses menaces, on peut citer la corrosion, intérieure et extérieure, et la fatigue due aux cycles d'expansion thermique.
En effet, on comprend aisément que la chaudière se dilate en chauffant à l'allumage puis se contracte en refroidissant en fin de service. Ce qui est nettement moins évident, c'est que l'usage l'expose également à des variations de pression ET de température, autant de "mouvements" du métal à l'échelle moléculaire. La pression évolue constamment, en fonction de la production de vapeur d'un côté et de la consommation de l'autre. La température aussi, en fonction de la quantité de charbon jetée dans le foyer pour chauffer et les injections d'eau qui refroidissent le volume d'eau. Si on ne peut éviter les contraintes liées aux cycles de dilatation, on peut au moins en réduire l'impact en gérant la chauffe au mieux.
We are only dealing with the hearth here, but a boiler in general is a reservoir holding a considerable energy. Any violation to the envelope integrity generates a danger, and the bad handling of the heating is not the only threat.
Among the various threats, we can cite the corrosion, both inside and outside, and the fatigue due to the thermal expansion cycles.
Indeed, we easily understand that the boiler expands while heating after being lit-up and contracts when cooling down at the end of the day. What is really less obvious is that the usage exposes it to variations of pressure AND temperature, causing "movements" of the metal at the molecular scale. The pressure evolves permanently, according to the steam production on one side and its consumption on the other. So does the temperature, along with the amount of coal thrown into the hearth to heat-up and the water injections which cool down the water volume. If we can not avoid the constraints of the expansion cycles, we can at least reduce their impact with a proper heating management.
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En haut: détail de l'effet des injections courtes plus fréquentes (vert)
En bas: cycle journalier.
Top: Detail of the more frequent but shorter injections (green)
Bottom: one-day cycle.
Top: Detail of the more frequent but shorter injections (green)
Bottom: one-day cycle.
Si les machines étaient maintenues chaudes la nuit, lorsqu'elle devaient reprendre la route dès le lendemain matin, c'était bien sûr pour qu'elles soient prêtes en temps voulu, mais cela avait aussi l'avantage d'éviter un cycle de dilatation-contraction. Les débuts et fins de service sont inévitables, on ne peut qu'essayer de les faire en douceur pour que la dilatation ait le temps de s'établir et que les contraintes soient relativement limitées. En service, pour maintenir le niveau d'eau, il faut injecter de l'eau dans la chaudière, ce qui la refroidit. Pour que ce refroidissement ne soit pas trop important, il vaut mieux injecter peu et souvent, les petits volumes étant plus faciles à réchauffer. Les injections d'eau représentent des variation de température assez brutales ainsi qu'une baisse significative de la pression, tout comme les appels de puissance au régulateur. Réduire ces variations permet de limiter les cycles de contraction-dilatation, si ce n'est dans leur nombre, au moins dans leur amplitude.
Pendant le service, l'expérience du chauffeur, et sa connaissance de la ligne, lui permettent d'optimiser sa chauffe et de l'adapter au besoin, évitant les excès et les manques. Il doit donc anticiper les grosses demandes de vapeur et les périodes sans consommation pour ne pas se retrouver avec un petit feu, peu d'eau et de pression, ou à l'inverse un grand feu, une pression élevée et un niveau d'eau déjà haut, deux situations qui peuvent vite poser problème voire dégénérer gravement.
If the machines were kept hot overnight, when they had to resume work early the next day, it was of course to be ready on time, but it also had the advantage of avoiding an expansion-contraction cycle. Beginnings and ends of duty are inevitable and we can only try to make them softly for the dilatation to have time to establish and the stress to keep limited. During operation, to maintain the water level, it is needed to inject some water in the boiler, it cools it down. For this cooling down to remain limited, it is better to inject few but often, small volumes being easier to heat up. Water injections represent quite a brutal temperature shift as well as a significant drop of pressure, as do the power calls on the regulator. To reduce these variations allows to limit the dilation/contraction cycles, if not in their number, at least in their amplitude.
During operation, the fireman's experience and his knowledge of the line, allow him to optimize the heating and to adjust it if needed, avoiding excess or lack. He must anticipate the heavy calls on steam and the periods without consumption for not to get with a small fire, little water and pressure, or on the opposite, with a strong fire, a high pressure and an already high water level; two situations that could be problematic and quickly become critical.
La corrosion intérieure, quant à elle, peut avoir plusieurs origines et c'est un domaine à part entière qui sera mieux traité dans un autre article.
A noter cependant que ces considérations concernent surtout les locomotives utilisées en service commercial ou industriel, quand la durée de vie du matériel jouait fortement sur sa rentabilité. Ce n'était pas vraiment le cas des Brigadeloks conçues pour un usage militaire et certainement pas prévues pour durer une centaine d'années !
Néanmoins, avec les progrès de la métallurgie, avec une meilleure compréhension de la corrosion et de son traitement, avec des précautions dans la gestion de la chauffe, et d'autres choses, on peut de nos jours envisager une durabilité des chaudières nettement plus longue. Ce seront des critères de décision pour celle que nous devrons acheter. On aura bien l'occasion d'en reparler d'ici là, et il reste encore pas mal de choses à voir pour faire le tour de la chaudière. D'autres articles en perspective !
The internal corrosion can have several causes and it is a domain in itself that will be detailed more deeply in a future article.
To be noted though that these considerations are mostly about the locomotives used for commercial or industrial duty, when the lifetime of the equipment strongly influenced its profitability. It was not really the case for the Brigadeloks designed for military use, and certainly not for a hundred years durability !
Nevertheless, with the progress of metallurgy, with a better understanding of the corrosion and its treatment, with precautions in heat management and other things, we can nowadays envisage a far longer durability of the boilers. These will be decision criterias for the one we will have to buy. We will have the opportunity to discuss it by then, and it remains a lot of things to see to cover the whole boiler. Some other articles to come !