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mercredi 3 avril 2019

Les trains au charbon menacés - Threatened coal trains

 -English text below-
Dans le cadre de sa politique environnementale, et en particulier pour la transition énergétique et la lutte contre le dérèglement climatique, le gouvernement français a mis en place un taxation dissuasive sur l'utilisation du charbon (TICC). L'impact sur les trains touristiques du doublement annoncé est particulièrement lourd.

Si la motivation à l'origine de cette élévation de taxation est indiscutablement louable pour le climat, elle n'en demeure pas moins inefficace et hypocrite: ce n'est qu'un moyen de prélever des sous pour régler des problèmes budgétaires divers et l'environnement est un superbe prétexte pour activer la machine à taxer.

Inefficace parce que ceux qui utilisent du charbon, déjà coûteux, le font parce que c'est quasi-imposé par leur activité. Un exploitant de centrale à charbon ne peut pas la convertir sans modifications terriblement lourdes, il continuera donc jusqu'à l'arrêt de l'installation qui sera éventuellement reconstruite pour fonctionner au gaz, fossile bien sûr.
Inefficace parce que c'est n'est pas en France que l'effort contre le charbon est le plus grand à faire, d'autres états en font un usage bien plus intensif et le climat en pâtit toujours plus. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire mais qu'il y avait certainement de plus grosses marges de progrès à faire autrement.

Hypocrite parce que nombre d'utilisateurs continueront avec le charbon tant qu'ils pourront en trouver, le coût sera répercuté d'une façon ou d'une autre. Pour les trains touristiques, la limite acceptable sera vite atteinte. Les budgets sont déjà extrêmement serrés au prix actuel et l'augmentation du prix des billets en même proportion ne serait ni comprise ni acceptée par les visiteurs.
Hypocrite parce que l'adaptation des utilisateurs pourrait souvent se faire avec d'autres sources d'énergie fossile. Un forgeron peut ainsi lui aussi remplacer son charbon par du gaz. Un propriétaire de chauffage domestique aussi et ils échapperont à cette taxe quand ils n'en sont pas déjà exonérés. Au final, cela ne fera que déplacer le problème et ne rapportera pas tant que ça.
Hypocrite parce que si seules les utilisations industrielles majeures étaient visées par cette taxation, il aurait été facile d'en exonérer les trains touristiques. Cela a été refusé malgré la demande de la Fédération des trains touristiques relayée par des députés sous la forme de propositions d'amendements à la loi.
Hypocrite parce que ce n'est plus le charbon qui cause le plus de rejets carbonés fossiles en France et que si les sources les plus polluantes sont aussi l'objet d'une taxation de plus en plus pressante, il n'y a pas d'incitation réelle à la transition énergétique. En effet, les énergies alternatives ne sont pas assez mises en avant et les véhicules dits propres restent inaccessibles au grand public.
Oui, tout cela est hypocrite car c'est une pénalisation des utilisateurs auxquels on ne propose pas d'alternative abordable. Or, ce n'est pas faute de savoir ou de pouvoir, mais de vouloir !

Pour les locomotives des trains touristiques, on ne peut pas dire que c'est impossible mais au moins très compliqué de passer du charbon au bois. Si on pourrait l'envisager sur un petit réseau comme Rillé, du moins sur du petit matériel en voie étroite en général, cela paraît nettement plus difficile pour une loco en voie normale de faire un trajet uniquement au bois. Pour l'anecdote, la chaudière de la loco DFB ex-Creusot avait été déclarée en préfecture par un de ses ancien propriétaires comme fonctionnant au bois. La DFB Polska a longtemps été utilisée par une exploitation forestière et il est fort probable que le bois était son combustible principal. Le fait que l'allumage et la chauffe soient faits au bois prouve que ces étapes sont faisables, les tubes relativement courts de ces locos permettent encore d'exploiter les flammes du bois si celui-ci est bien choisi. Pour une grosse loco aux tubes beaucoup plus longs, il n'est pas sûr que cela soit suffisant car le rendement énergétique du bois est quand-même bien loin de celui du charbon. 
Avec l'aimable autorisation de l'auteur*
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Pour la conduite du feu, une grosse adaptation des chauffeurs serait requise car le temps de réaction n'est pas le même et il est probable qu'il faudra souvent gratter la grille pour dé-cendrer et diminuer le volume de braises. Le problème des escarbilles est par ailleurs largement augmenté car les particules incandescentes aspirées par le flux de gaz sont bien plus légères et susceptibles de partir en plus grande quantité et plus loin. En effet, leur masse moindre les rends moins sujettes à l'arrêt par les pare-escarbilles centrifuges. Une surveillance encore plus attentive des agents d'exploitation et leur formation et équipement en moyens d'extinction va s'imposer. Cela suffira-t-il à éviter les interdictions d'exploitation par les autorités au titre du principe de précaution ? A titre d'exemple, le réseau de l'ile d'Oléron avait interdiction d'utiliser sa vapeur DFB à cause du risque d'incendie. La machine a été mise en vente et rachetée par les Anglais; c'est une perte directe du patrimoine historique français !
Il ne faut pas se leurrer, une gestion plus stricte de la chauffe pour économiser le charbon ne suffira pas à compenser le doublement annoncé de la taxe. Exploiter un train touristique et préserver du patrimoine historique était déjà un exercice particulièrement difficile, non seulement pour les aspects techniques, réglementaires et commerciaux, et voilà que ces activités, le plus souvent bénévoles, se voient pénalisées aussi lourdement que les grosses industries. Les contraintes sont déjà très grandes, le train a beaucoup d’ennemis; après ceux qui sont gênés par les rails, par les travaux d'entretien de la voie, par la fumée, par le bruit, viennent maintenant ceux qui s'en prennent au combustible. La situation est presque comparable à celle qui a mené au remplacement du charbon par le fioul sur les grosses locos, ce qui n'est pas une option pour les petits trains touristiques.
Il n'est bien entendu pas question ici de nier les faits; une locomotive à vapeur chauffée au charbon est polluante pour l'atmosphère. Le problème est qu'un train touristique n'a pas les mêmes ressources qu'une industrie et que l'augmentation annoncée y a un impact bien plus grand. 

Pas de méprise, il est fort probable que tous les gestionnaires de trains touristiques comprennent la nécessité de réduire les émissions de carbone d'origine fossile. La taxation aveugle est malheureusement la solution de facilité purement politique qui ne fait pas de différence entre une utilisation relativement ponctuelle (pour les petits réseaux ferrés), et une consommation soutenue à grande échelle pour la production d'énergie. D'ailleurs, ce n'est pas comme s'il s'agissait d'un effort limité dans la durée, il s'agit bel et bien d'un mouvement de fond de type définitif. Or, tous ces réseaux, qui avaient plus ou moins réussi à se doter d'un modèle économique équilibré, se voient maintenant face au dilemme du financement de ce surcoût inattendu. Les rares soutiens institutionnels que les trains historiques peuvent avoir ne seront bien entendu pas en mesure de suivre ces nouvelles dépenses.
Comme il n'y a pas eu de concertation préalable et que la discussion ne semble pas possible, il faudra probablement en passer par des choix difficiles et sacrifier des projets qui étaient prometteurs. C'est franchement décevant de se démener pour servir la cause du patrimoine et de voir ses maigres ressources dilapidées par des décisions arbitraires dont on sait d'avance qu'elles n'auront aucun effet sur le climat puisque le charbon sera naturellement remplacé par d'autres énergies fossiles et que les alternatives propres ne sont pas assez mises en avant
Evolution de la taxe carbone en France (©photo D.R.)
Les trains touristiques ne peuvent pas porter seuls la responsabilité du réchauffement climatique et les pénaliser ne fera pas développer les énergies alternatives plus vite. Deux cas se présenteront: les réseaux qui peuvent utiliser du bois à la place du charbon, et ceux qui ne peuvent pas.
Si les associations qui exploitent des petits matériels sur des trajets relativement courts et faciles peuvent s'en sortir sans trop de casse, celles qui font des grands trajets avec des grosses locos n'auront d'autre choix que de payer beaucoup plus. Pareil pour celles qui parcourent des reliefs exigeant beaucoup de puissance pour emmener le train. Les beaux parcours sur le réseau ferré national risquent de devenir extrêmement rares et certaines machines ne quitteront probablement plus jamais leur dépôt.
Seule consolation, bien mince, ceux qui tourneront au bois pourront se vanter d'avoir des locos écolos puisque fonctionnant à la biomasse renouvelable !

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 * Le dessin de Trez a été publié initialement au début des années 80 à l'époque de la fermeture des bassins miniers français. La détestation du charbon n'est donc pas nouvelle et l'économie financière s'était déjà chargée de réduire son utilisation par "voie naturelle"...
Un immense merci à Trez pour avoir autorisé l'utilisation de son dessin. Pour découvrir cet artiste: son site http://alaintrez.free.fr/

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English text here

In the frame of its environment politics, and in particular for the energetic transition and fight against climate change, the french government has set up a deterrent tax on coal  usage (TICC). The impact on touristic trains of the doubling to come is particularly heavy.


If the reason for this tax increase is undiscutably right for the climate, still it is inefficient and hypocritical: it is only a way to solve various budget problems and the environment is a superb excuse to activate the tax machine.


Inefficient because those who use coal, already expensive, do it because it is imposed by their activity. Operators of coal powerplants can not convert it without extraordinary alterations, so they will continue until the plant termination and its eventual rebuild to run on gas, fossil gas of course.Inefficient because it is not in France that the effort against the coal is the greatest one to do, other countries use it more widely and the climate suffers a lot of it. It does not mean nothing is to be done but there are better progress margins elsewhere.



Hypocritical because numerous users will continue with coal as long as they could find it, the cost will be reflected in some way. For the touristic trains though, the acceptable limit will soon be reached. Budgets are already extremely tight at the current price and an increase of the ticket cost in the same proportion wouldn't be understoon nor accepted by the visitors.

Hypocritical because users response will often be with other fossil fuels. A black-smith can replace coal by propane gas. The owner of a house heated by coal can do so and avoid the tax if they are not already exonerated. In the end it will only shift the problem and won't earn big money.
Hypocritical because if only the major industrial uses were targeted, it would have been easy to exonerate the touristic trains but it had been denied in spite of a request by our touristic trains federation relayed by several representatives with submissions of amendments to the law.
Hypocritical because it is no more the coal that causes the most carbonated fossil rejects in France and that if the more polluting sources are subject to a more and more pressing tax, there is no real incentive for energetic transition. Indeed, the alternative energies are not promoted enough and supposed clean vehicles are not accessible to general public.
Yes, all this is hypocritical since it is a double punishment of users for which there is no affordable alternatives offered. And it is not a question of ability but a question of will !


For the touristic railway locomotives, we can not say it is impossible but at least very complicated to go from coal to wood. If we could consider it on a small railway as Rillé, or at least on narrow gauge equipment in general, it apprears to be way more difficult for a standard gauge loco to run only on wood. For the story, the boiler of the ex-Creusot brigadelok was declared by former owners as running on wood. The "Polska" brigadelok has been used by a lumbering company for a long time and it is probable that wood was its main fuel. The fact that firing-up and heating are made with wood prove it is feasible, the relatively short tubes of these locos still allow to use the flames of the wood if it is well chosen. For a large loco with way longer tubes, it is not sure it would be enough because the energetic efficiency of wood is rather low compared to coal.
With the friendly permission of the author*
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For the fire management, a huge adaptation of firemen would be required because the reaction time is not the same and it is probable  that it will be required to scrape the grate to remove ashes and reduces the quantity of embers. The problem of cinders is also largely increased because the incandescent particles sucked in by the gas flow are lighter and able to travel farther and in greater quantities. Indeed, their lesser mass makes them less subject to capture by centrifugal spark arrestors. A more cautionary surveillance by operation agents will be required as well as theur firefighting equipement and training. Could this be enough to prevent operations shutdown by authorities based on precaution principle ? As an example, the railway of the Oleron island was forbidden to use its steam brigadelok due to fire risk. The machine has been for sale and purchased by the British, it is a direct loss for the french historic heritage !


Don't be fooled, a more strict management of heating to save on coal won't suffice to compensate the announced doubling of tax. To operate a touristic train and preserve historic heritage was laready a particularly difficult exercise, not only for technical, regulatory and commercial aspects and now, these activities, generally on volunteering basis, are penalized as heavily as industries. Constraints are already important, the train has several enemies; after those troubled by the rails, track maintenance works, noise and smoke, now some attack the fuel. The situation is almost comparable to the one that led to replacement of coal by petrol on the big locomotives, that is not an option for little touristic trains. Of course, no question here to deny facts: a steam locomotive heated with coal is polluting the atmosphere. The problem is that a touristic train doesn't have the same ressources as an industry and that the announced increase impact is far greater.
No misunderstanding, it is most likely that all touristic trains managers understand the necessity to reduce the fossil carbon emissions. The blind taxation is unfortunately a purely politician easy way making no difference between a relatively punctual use (for small railways) and large scale intense consumption for energy production. Besides, it is not as if it was only an effort limited in time, it is really a background action of the permanent type. However, all these railways that more or less found a balanced economic model are now facing the dilemma of funding this new unexpected cost. The rare insitutional supports that historic trains can have will obviously not be able to compensate these new expenses.
As there was no prior consultation and that discussion seem impossible, il is likely that difficult choices must be made with sacrifice of promising projects. It is frankly disappointing to commit in heritage preservation and to see one's faint ressources wasted by arbitrary decisions knowing they wil have no effect on climate change since coal will be replaced by other fossil fuels and clean alternatives are not promoted properly.
Evolution of the french carbon tax (©photo D.R.)
The touristic trains can not carry alone the responsibility of climate change and penalize them won't develop alternative energies quicker. Two situations will arise: the railways that can use wood instead of coal, and those who can't.
If the societies operating small engines on relatively short and easy journeys might make it out, those who travel long distances with large locos won't have other choice than paying a lot more. Same for those running on landforms that require a lot of power to drive a train. Nice trips on the national railway are at risk of becoming extremely rare and some machines will probably never leave their depot again.
The only consolation, a well thin one, is that those who will run on wood could boast that they have ecological renewable biomass locomotives !

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 * The drawing by Trez was initially published in the early eighties, while the french coal mines were closing down. The hate of coal is not new and the financial economy already took charge to reduce its use by "natural way". 
A huge thank you to Trez for allowing us to use his drawing. To discover this artist, his website: http://alaintrez.free.fr/


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